bertrand planes
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mar: 3D



Mar 3D est un projet réalisé par Bertrand Planes à l’occasion du Siart, SALON INTERNACIONAL DE ARTE 2005 de La Paz, Bolivie.
Une vidéo, tournée dans ce contexte précis, est projetée grâce à un dispositif de stéréoscopie ainsi qu’un logiciel d’immersion des spectateurs par leurs ombres mis au point avec le CNRS.
Ce type de collaboration est souvent utilisée par Bertrand Planes, qui a déjà fait intervenir des stylistes, des scientifiques, mais aussi une structure telle qu’Emmaüs. Ces interventions ne se limitent pas à des figurations ou des matériaux, mais entraînent l’ensemble des acteurs vers des pièces et des pratiques hybrides, les plongeant tous dans un rapport d’éloignement face à leurs domaine habituel.
Cette mise en fragilité commune est encore très présente dans Mar 3D. La Bolivie est un pays forcément « exotique » pour Bertrand Planes, tout à la fois par son histoire et sa géographie, mais aussi par le décalage entre son développement technique et la complexité des technologies mises en œuvre par Mar 3D. L’artiste, le CNRS, les structures d’exposition et les techniciens locaux vont s’adapter à la mise au point de cette « œuvre prototype ».
Cependant, le but visé reste une transparence, l’illusion que la vidéo inclut souplement le spectateur et lui offre des signes de réalité.
Car le système d’immersion proposé par Bertrand Planes est un jeu de signes, comme certains de ses travaux précédents. Il crée une griffe de vêtements usagés, ou bien retravaille les codecs, habituellement et largement utilisés mécaniquement pour encoder de la vidéo, jusqu’à leur faire créer des distorsions significatives, exagérant le passage de médium à médium ( de DVD à CD). Finalement, une interrogation sur le faux, le simulacre et les moyens du simulacre. Des moyens utilisés tout à la fois par les œuvres d’art et l’industrie du divertissement.
Mar 3D s’inscrit dans cette problématique, tout en y ajoutant un versant presque géopolitique. En effet, la vidéo diffusée consiste en des images stéréoscopiques de l’océan, prises au Chili avec des Boliviens. Or, depuis la guerre du Pacifique, la Bolivie a perdu son accès la mer annexée par le Chili. Cet « enfermement » a créé nombre de problèmes politiques mais aussi une grande nostalgie. Une fête de la mer est toujours célébrée en Bolivie.
Bertrand Planes restitue cet élément manquant, aussi fidèlement que possible. Le spectateur s’y voit inclus. Cette impression de réalité est suggérée par la présence de son ombre, cette présence que l’on remarque peu mais qui subliminalement définit sa position.
On peut s’interroger sur le sens et la valeur de cette présence virtuelle : compensation, restitution, mirage …
Cette ambiguïté de contenu se voit redoublée par la présence quasi historique de deux éléments formels classiques: l’ombre et l’océan. La littérature abonde de contes à base d’ombre, le plus significatif étant peut-être Doppelganger de Kleist, où un personnage vend son ombre au diable, croyant s’en tirer à bon compte et qu’elle ne lui manquerait pas. Mais tous les passants qu’il croise remarquent immédiatement cette absence indéfinissable et le bannissent de la communauté humaine. Pour l’océan, le nombre de tableaux, marines, de maître et d’amateur, est évident. Cependant, l’invention communément attribuée à Turner de la peinture abstraite est significative. De thème, passionnant justement à cause de son ouverture infinie, l’océan devient medium, matière à culture.
La base matérielle utilisée par Bertrand Planes semble au premier abord une « réalité » soumise au jeu de la restitution, mais s’avère finalement tout aussi sujette à œuvre que le dispositif. Et Mar3D apparaît finalement comme une nouvelle œuvre « sur » la mer, incluant une rêverie intellectuelle et une évasion possible justement par son excès de réalité.


Corentin Hamel





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